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Les Mattagumber

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TRADITIONS - Le Lièvre d’Ostara - Almanach

Publié par mattagumber

Le Lièvre d’Ostara
par Didier Simon, paru dans Arts et Traditions Populaires Alsace
n°66, 1er trimestre 2002

Et si le printemps ne revenait pas ? Voilà une question qui n'angoisse guère notre société climatisée, mais imaginons la peur qu'elle pouvait susciter dans une société à l'économie agro-pastorale. Les reverdies, la régénération de la Nature, cette force qui échappe complètement à l'Homme et qui pourtant est pour lui une question de vie ou de mort, ne peut être que d'origine surnaturelle. Et les exemples de coutumes que nous supposons d'anciens cultes printaniers ne manquent pas en Europe, certains encore vivants, d'autres, la plupart, survivent dans la liturgie chrétienne.

La ressemblance de ces coutumes, dans toute leur diversité européenne, a fait dire à R. de Westphalen (1) qu'il s'agirait d'un culte indo-européen, qui se serait différencié lors de l'installation de ces peuples en Europe, avant de s'interpénétrer pendant la conquête romaine, puis pendant les grandes invasions. Ce qui donnera en Alsace, une religion gallo-gréco-romano-germanique, sur laquelle, le christianisme viendra calquer sa liturgie, sanctifiant ce qui peut l'être et diabolisant le reste. Les changements de calendriers, lunaire pour les société agro-pastorales, puis solaire mâtinés de traditions lunaires pour les calendriers julien puis grégorien, achevèrent de brouiller les cartes, étalant les coutumes liées au culte printanier de Noël à la Saint-Jean d'été.

imagerie populaire

Le cycle de Pâques appartient à cet ancien culte printanier. Que l'Eglise ait voulu associer la résurrection du Christ à celle de la Nature paraît évident, et les religions polythéistes, où abondent les mythes de mort et résurrection étaient ainsi prêtes à comprendre le message. Mais le parallèle va plus loin, la Passion du Christ commence le jour des rameaux, que le hasard (mais est-ce un hasard ?) fit tomber le jour de la fête des Tabernacles, où les Israélites se rendent au Temple avec à la main droite un bouquet de rameaux de saule, de palmier (lulabh) et de myrthe, à la main gauche un rameau de cédrat (1). "Mais la fête des Tabernacles n'était-elle pas une fête de moisson ? "(1). Quant aux rameaux, de toutes formes (Maïbaum, bouquet, arbuste) ils abondent eux aussi dans les coutumes liées au renouveau printanier, en tant que symbole de ce renouveau.

Mais limitons nous à ce que le cycle de Pâques nous montre aujourd'hui ou dans un passé récent. Son nom d'abord : Si l'aire romane a adopté le nom juif (Pessah), l'aire germanophone a gardé le souvenir de l'antique divinité germanique du renouveau printanier, la déesse Ostara, dont l'animal fétiche est le.. lièvre.

Palmà à Jettingen, dimanche des rameaux 2002

Purification et renouveau sont les constantes des fêtes de printemps. A la fin du carême où le croyant, en jeûnant, s'est purifié le corps et l'âme, il lui faut encore, à l'image de la Nature, purifier son environnement. C'est l'Oschterputz, le grand nettoyage de printemps, où la maison est nettoyée de fond en comble.

Pâques fleuries ou dimanche des Rameaux voit se dérouler une charmante coutume, qui après un léger déclin semble à nouveau bien se porter, du moins dans le Sundgau. Ce jour-là, les enfants du village se rendent a l'église, brandissant une perche au sommet de laquelle sont fixés des rameaux de buis décorés de fleurs en papier. Après avoir été bénis par le Prêtre, ces rameaux (Palmà) seront plantés dans le jardin, jusqu'au matin de Pâques où le lièvre d'Ostara (Oschterhaas) viendra y pondre ses oeufs multicolores. Les rameaux de buis viendront ensuite orner un crucifix à l'intérieur de la maison.

Le jeudi saint a conservé en Alsace le sens que lui avait donné le pape Léon IX, au 7ème siècle : dies viridis, le jour vert, en alsacien : Grienàdunnstig. Il s'agit ce jour-là, de parfaire la purification du corps en mangeant du vert. Epinards et oeufs durs en composent le menu traditionnel, mais il est également recommandé de manger des brouets à base de 7 plantes (Sewekrittermùes) ou 9 plantes (Ninkrittermùes). Les plantes utilisées ont des vertus purgatives reconnues, elles peuvent être "le chou, l'épinard, le persil, le poireau, le pissenlit, l'ail sauvage, la mâche, I'herbe aux goutteux, le lierre terrestre, ainsi que l'oseille, le cresson, le groseillier à maquereaux, le sureaux, les orties" (2).

D'après ma voisine, les oeufs pondus le vendredi saint auraient, outre de nombreuses vertus prophylactiques, la particularité de se conserver jusqu'au printemps suivant … je n'ai jamais essayé.

La course aux oeufs, Ch. Spindler, 1898

L'église aussi a droit à son Oschterputz, mais comme il serait inconvenant de jeter aux ordures des déchets ayant reçu de l'eau bénite ou du Saint Chrême, ces déchets sont brûlés par les servants de messe au soir du samedi saint. On dit qu'on brûle Judas (Judasverbrennà) pour venger le Christ. Cette coutume, exempte de charité chrétienne et de miséricorde, semble être, à l'origine, du même ordre que les feux de carnaval. Les cendres de ce feu serviront à l'office du mercredi des cendres de l'année suivante, et c'est à ce feu qu'on allume le cierge pascal.

Le jour de Pâques voit rompre le jeûne du carême. Le plat traditionnel est l'agneau, rappelant celui mangé par les Juifs avant leur sortie d'Egypte, signifiant la fin de leur esclavage, comme la résurrection du Christ signifie la fin de l'esclavage de l'Homme dans le péché. Il rappelle également le bouc émissaire dont le Christ est l'image, portant sur lui tous les péchés.

Dans de nombreuses familles sundgauviennes, comme en Suisse alémanique, il est d'usage de remplaoer l'agneau par un chevreau (Gitzàle).

Le lundi de Pâques est un jour de fête, de festins, de bals, mais aussi de concours de force et d'habileté pour la jeunesse villageoise. Le village de Jettingen, dans le Sundgau, organise depuis quelques années une course aux oeufs originale : deux équipes de tailles égales s'affrontent; chaque participant devant exécuter un parcours aller-retour d'une vingtaine de métres et parsemé d'embûches. De plus il a entre les dents une cuillère à café sur laquelle repose un oeuf. Son parcours fini, il passe le relais à l'un de ses coéquipiers. S'il casse son oeuf, il arrête sa course et attend qu'un oeéquipier lui apporte un nouvel oeuf. L'équipe gagnante est la première dont tous les équipiers ont fini le parcours.

Certes, cette liste de pratiques et de coutumes liées au cycle pascal est loin d'être exhaustive, il s'agissait ici de montrer des coutumes encore vivantes ainsi que le lien éventuel entre la fête chrétienne et le culte païen au renouveau de la Nature.

Bibliographie:

(1) Le culte de l'arbre dans nos coutumes populaires, Dr. R. de Westphalen, Annuaire de la Société d'histoire et d'archéologie de la Lorraine tome XXXII 1923.

(2) Plantes, croyances et traditions en Alsace, G. Leser - B. Stoehr, éd. du Rhin, 1997.

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