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Les Mattagumber

Les Mattagumber

Spectacles en plein air : Théâtre - Musique - Danse - Chant - Poésie / Organisation de festivals / Créations numériques...


Le chevalier à la joyeuse figure - DNA 7 août 2011

Publié par mattagumber sur 7 Août 2011, 18:58pm

dq-DNA.jpgMooslargue / Spectacle Don Quichotte en plein air

Le chevalier à la joyeuse figure

 

Les moulins en sont déjà tout retournés : Don Quichotte chevauche en direction de Mooslargue à l’appel des Mattagumber pour un audacieux spectacle qui s’annonce renversant. Avec l’ingénieux hidalgo imaginé par Cervantès en selle, le public a intérêt à se cramponner !

 

 

Il paraît -plusieurs illustres exemples en attestent il est vrai- qu’adapter Don Quichotte à l’écran ou à la scène revient à taquiner une supposée malédiction… L’on s’en souvient, l’Elsasser Theater de Raedersdorf avait cependant déjà brillamment relevé le défi voilà deux ans en créant un parfaitement inédit Don Quichotte dans la langue de Katz.

Cette perspective d’un pari délicat à relever aura également su convaincre les Mattagumber de s’y lancer. En prenant le temps toutefois, fort heureusement. Car, la troupe mooslarguoise ne s’en cachait pas, l’envie les titillait plus que sérieusement sitôt leur pantagruélique hommage à Rabelais dévoré, en 2009. Et justement, là était l’écueil : risquer, bien involontairement, de livrer une copie par trop semblable à celle de la -super !- production qui fit un véritable tabac cet été-là. Quelques contraintes logistiques et la sagesse des Mattagumber les invitèrent à reporter leur projet et s’investir dans une tout autre aventure l’an passé avec Intimités, à livres ouverts… Bien leur en prit, les Sauterelles ayant, outre rendu un sensible hommage aux livres et à la littérature, ainsi eu le loisir de lisser leurs ailes et fourbir leurs armes.

 

Derrière les idées reçues

Après l’embonpoint et la voracité de Gargantua, voici donc que se profile la frêle silhouette d’un hidalgo au visage émacié… Un fascinant personnage que Mathieu Lavarenne, plus spécialement aux commandes de cette création comme il fut le pilote du Gargantua, a littéralement redécouvert. Car, 406 ans après sa naissance sous la plume de Miguel de Cervantès, rares sont les personnages qui conservent comme Don Quichotte une telle stature et plus encore un sacré paquet d’idées reçues dans les basques. « Tout le monde croit le connaître », note Mathieu Lavarenne qui ne s’excluait pas du lot. Aussi fallait-il remonter aux sources, plonger dans le grand bain des quelque 1 400 pages que comptent les deux foisonnants tomes des aventures de L’Ingénieux hidalgo. Au terme d’une lecture, assortie de biographies, études et autres ouvrages annexes, qu’il confie « jubilatoire et surprenante », “l’adaptateur” a ainsi révisé son point de vue. « Le schéma persistant de Don Quichotte est celui d’un chevalier idéaliste, défenseur des causes perdues au nom de la justice et ne démissionnant pas devant la réalité. Et bien, ce n’est pas tout à fait cela… » Des nuances et une complexité qui ne font que renforcer le caractère admirable du personnage. « Il n’y a pas mieux que Cervantès pour sortir de la pensée binaire et manichéenne », estime Mathieu Lavarenne.

 

Cervantès, le multiple

Ce qui doit évidemment à la personnalité de l’auteur lui-même, Miguel de Cervantès étant pour le moins multiple ! Né en 1547, l’auteur espagnol fut de fait aventurier, marin et soldat (il participa à la grande bataille navale de Lépante contre la flotte ottomane en 1571 au cours de laquelle il perdit d’ailleurs l’usage d’une main), intendant de l’Invincible Armada, négociant, agent du fisc, joueur impénitent détenu mais aussi captif de marchands d’esclaves maures à Alger… Autant d’expériences de vie qu’il glissera dès 1605 puis dix ans plus tard avec le second tome, dans le récit de son Don Quichotte de la Mancha à la manière d’un nouvelliste.

Fait notoire, le chevalier à la triste figure fut instantanément populaire parce que propice à la moquerie -ce n’est que plus tard que son image devint si flatteuse-. Certes, Quichotte est plein de bons sentiments, mais il est irrémédiablement « celui qui finit par provoquer pire que contre ce quoi il prétend lutter au nom de la pureté de son idéal ». Au fil d’un récit extraordinairement bien construit où les mises en abymes se succèdent ainsi que les péripéties, Mathieu Lavarenne fit la connaissance d’un « exalté, un individualiste absolu, égocentré jamais en phase avec les situations ni ses interlocuteurs, dont le délire s’argumente pourtant d’un rationalisme sans faille », mais qui ne perçoit le monde qu’à travers la lorgnette de ses propres délires et fantasmes. Bref, il est déconnecté, anachronique et intégriste de ses propres projections, justicier autoproclamé fou pour avoir trop lu de romans de chevalerie. « Infantile, il n’entend pas la réalité mais pense que tout lui est possible. Et dès lors qu’il échoue, il se croit persécuté et fustige quelque enchanteur de l’avoir privé de sa victoire. » Pour un peu, « il relève de la psychiatrie ! », s’amuse le metteur en scène en se gardant bien de renvoyer le balancier trop loin : « tous les personnages de Cervantès sont naïfs, ambivalents et contrastés ». Peut s’engager alors une discussion sans fin sur la morale, l’éthique, la philosophie et la politique…

 

Originel et original

D’où la difficulté de rester le plus fidèle au récit et à son esprit… « Il nous a fallu élaguer pour mettre en lumière Don Quichotte à la lueur de ce qui est significatif », explique encore le jeune professeur d’histoire. « Nous voulons respecter l’auteur et ses personnages pour partager leur richesse » : prétendant humblement -il est une certitude que la grosse tête n’a pas cours chez eux !- toucher à l’essentiel, les Mattagumber travaillent ainsi, comme des catalyseurs, une création originelle plutôt qu’originale. Mais elle le sera assurément, pleine de ces trouvailles qui avaient “scotché” le public devant Gargantua.

Comme pour ce dernier, Mathieu Lavarenne a puisé, trituré, sculpté et ouvragé, glissant ce que Rabelais nommait « la substantifique moelle » ; ainsi hésita-t-il à reprendre le fameux passage des moulins à vent ! « C’est un tout petit épisode qui ne caractérise pas plus le personnage que d’autres passages, évoqué en une page et demie sur l’intégralité de l’œuvre. Mais, nous ne pouvions pas faire l’impasse, pas vrai ? ». Quant aux effets de narration, les Mattagumber, qui s’offrent au passage un clin d’œil à Molière, reconnaissent volontiers avoir trouvé une belle matière dans « l’extraordinaire style de Cervantès ». Où les personnages sont truculents et pittoresques à l’instar d’un pauvre (?) Sancho Panza vantard, gourmand, avide et simple d’esprit dont le bon sens paysan rivalise avec une épaisse tranche de mythomanie.

« Notre plus grande récompense serait que les spectateurs se précipitent sur la lecture de Don Quichotte à l’issue du spectacle ! ». Lequel sera le plus théâtral présenté depuis que les Mattagumber -rejoints cette année par le comédien riespachois Jean-Charles Mattler auquel le rôle semble aller comme un gant !- gratifient le public de leurs fantaisies estivales, c’est-à-dire depuis neuf ans déjà. Ce qui n’occultera en rien les musiques (dont certaines compositions originales de Valère Kaletka), danses (celles toujours aériennes de Sébastien Chabouté) et chants qui font le délicieux cocktail de la troupe de Mooslargue qui compte cette année 25 comédiens, costumières, musiciens, danseurs et régisseurs. Pas besoin d’enchanteur pour prédire que les représentations seront suffisamment inventives, subtiles et réjouissantes pour séduire toutes les Dulcinée et hidalgos qui s’y rendront.

 

Nicolas Lehr

Dernières Nouvelles d'Alsace du 7 août 2011

 

Jeudi 11, vendredi 12, samedi 13 et dimanche 14 août à 21 h en plein air, à côté de la salle polyvalente de Mooslargue. Entrée libre, plateau.

Et pour les adeptes des réseaux sociaux, il s’avère que le sieur Don Quichotte a un profil sur Facebook qui donne le ton de l’affaire…

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