Courtavon : Rouge(s) ! Variations sur un Chaperon
La troupe des Mattagumber réinvestit le lieu enchanteur du plan d’eau de Courtavon, ce week-end des 12, 13 et 14 août, avec une déclinaison de saynètes autour du conte populaire du Petit Chaperon rouge.
Par Nathalie THOMAS - 10 août 2022 à 18h
Erythrophobiques - ceux qui craignent de rougir en public, au cas où vous ne savez ce que c’est… - ne pas s’abstenir ! Il y aura forcément du rouge, ce week-end des 12, 13 et 14 août, avec les Mattagumber au plan de Courtavon. D’ailleurs, s’y frotter, n’est-ce pas le meilleur moyen d’apprivoiser sa peur, si humaine… Comme celle du grand méchant loup ? C’est bien pour cela que les âmes innocentes des enfants et les esprits éveillés des plus grands apprécieront, sans conteste, les nouvelles variations du Petit Chaperon rouge, « déjantées à la sauce Matta », cousines de la centaine de versions déjà existantes, que présenteront les Mattagumber avec une déclinaison de ce conte en plusieurs saynètes.
Ce conte de tradition orale, dont la trace la plus ancienne daterait du XIe siècle, structuré par Charles Perrault et repris par les frères Grimm, est l’histoire de cette innocente enfant (mais, s’agit-il bien d’une fillette ?) confrontée à l’appétit féroce du méchant loup. Un conte qui effraie toujours autant plus d’un enfant depuis des siècles. Mais les Mattagumber, fidèles à leur réputation d’espièglerie et de loufoquerie, prennent le parti de rire et de méditer sur la nature humaine, ses émotions et ses angoisses…
« Promenons-nous dans les bois, pour voir si le loup n’y est pas… » Et bien justement, il faut y aller pour le rencontrer et voir le visage de l’humanité, derrière les masques que portent les hommes. Le public n’a plus qu’à se laisser guider par les colporteurs d’histoires, fils rouges du spectacle.
Quatre lieux au bord du plan d’eau sont investis pour quatre tableaux inspirés par la vie du petit chaperon rouge et de son acolyte, le loup, indispensable figure du mal, du désir, du pouvoir, de la violence… Bref, de ce que l’Homme craint et nourrit à la fois. Mathieu Lavarenne, la plume de la troupe, a pioché dans la richesse textuelle des différentes versions et y a rajouté son grain de douce folie, son humour et son goût du symbolique pour emporter le spectateur vers d’autres horizons. Il faut que cela grince ou morde un peu tout de même.
Ce quartet de textes permet aussi à la vingtaine de comédiens d’expérimenter une nouvelle relation avec le public. Le but était de déambuler physiquement et crescendo, vers différents décors et univers, mais aussi vers une lecture de plus en plus subtile du conte. Seuls une récurrente porte et quelques accessoires placés dans un écrin de verdure sont là pour pénétrer dans une autre dimension, car « tire la chevillette et la bobinette cherra ». « Cette unité visuelle s’est imposée comme un fil conducteur, mais c’est aussi le lieu qui suggère le décor. La nature nous a accompagnés », souffle Mathieu Lavarenne.
Le conte, un voyage du réel vers l’imaginaire et vice versa
« Les contes se nourrissent les uns des autres, c’est une mise en forme du patrimoine collectif de l’humanité. On transmet avec le conte, c’est un voyage hors de soi », dit-il. Une galerie de portraits s’est alors naturellement imposée pour représenter cette humanité. Un loup devenu bon , inspiré par Marcel Aymé, mais aussi jugé par la loi des hommes avec Le procès du loup d’après le Slovène Zarko Pétan, côtoiera une version glaçante du Petit Chaperon Üf en prise avec un « vieux tonton Wolf », d’après Jean-Claude Grumbert. Enfin, Ah ! Perrault Psycho d’après Gotlib, Bettelheim et cie… proposera un dialogue entre chien et renard, interrogeant sur le recours des hommes à la métaphore animalière, pour évoquer leurs propres défauts et les rendre conscients de leur véritable nature.
« À sauts et à gambades », les sauterelles des Mattagumber, généreuse troupe de 7 à 75 ans où la transmission du jeu théâtral et du verbe précieux est une des antennes de l’insecte, ont toujours de quoi surprendre le spectateur dans leur incontournable spectacle estival. C’est comme le conte du soir que l’on lit aux enfants, un rendez-vous qu’il ne faut rater… Mais attention, pour s’y rendre il faudra emprunter le bon chemin, car actuellement les routes sundgauviennes sont trouées de partout. Gare aux travaux, mais pas au loup !
Des travaux sur les routes sundgauviennes risquent de perturber l’arrivée des spectateurs au site : en venant de Dannemarie, préférez la route de Suarce, Pfetterhouse, Courtavon ; en venant d’Altkirch, préférez la route par Hirsingue et Bisel.
Nathalie Thomas
(L'Alsace et les DNA du 11 août 2022, version papier)
Courtavon : venez voir le loup… et les Mattagumber !
Plus de 200 personnes sont venues assister ce week-end aux premières représentations du fabuleux voyage au pays des contes, proposé par la joyeuse troupe des Mattagumber. Un spectacle itinérant composé de quatre saynètes autour du plan d’eau de Courtavon. Dernières ce dimanche soir.
Par Chris-Michaël GENG - 14 août 2022
Tout y est merveilleux : les costumes, les décors, l’ambiance. « C’est qu’au milieu du printemps, nous ne savions pas encore ce que nous pourrions proposer cette année après deux ans de Covid », raconte Mathieu Lavarenne, le metteur en scène des Mattagumber. Sans réfléchir bien longtemps, ce dernier, qui est également professeur de français, suggère de (re) visiter un conte qu’il connaît bien, celui du Petit chaperon rouge. Il explique : « Nous n’allons pas en faire une représentation fidèle, mais plutôt une interprétation loufoque en quatre tableaux. Et comme le site s’y prête bien, les saynètes sont réparties autour du plan d’eau. »
Une vingtaine d’acteurs
Le spectacle, d’une durée d’une heure et demie, est conduit par Henri Fritsch et Raphaelle, habillés en jolies sauterelles albinos. Une vingtaine d’acteurs se répartissent les rôles. Le fil conducteur étant les péripéties du fameux Chaperon rouge et du loup, les saynètes racontent l’envers du décor, ce qui se passe entre les lignes et derrière l’histoire que tout le monde connaît. Une grande place est accordée à la littérature dans laquelle le loup est mis en scène. Et à la manière des crossovers télévisuels, Mathieu Lavarenne a travaillé les textes de Marcel Aymé, Zarko Petan, Jean-Claude Grumbert ou encore Gotlib et Bruno Bettelheim en une fine analyse de l’animal et de ses nombreuses frasques. On s’aperçoit que le loup est présent partout, même là où l’on ne l’attend pas et qu’il reste fidèle à lui-même. Enfin, les différents niveaux de lecture du conte de Perrault et de la symbolique du loup deviennent on ne peut plus clairs. Le jeu des acteurs est plein de drôleries. Et si l’ordre des saynètes permet une montée crescendo de la gravité du “cas” loup, les situations sont toujours cocasses.
En finalité, le spectateur amusé de ce voyage au Royaume de Diguedondaire consacré au loup en sort grandi, il aura beaucoup appris sur lui-même. Comme chacun sait, la morale des contes est un miroir des travers de l’humain et renvoie à nos propres états et conditions. Voilà un spectacle enchanteur qui met de bonne humeur !