La troupe des MATTAGUMBER est aujourd'hui connue pour ses activités de spectacles en plein air, très hétéroclites, mêlant théâtre, danse, chant, musique, magie, humour, effets spéciaux... Mais tout cela n'est pas né de rien. C'est le fruit exotique d'une longue maturation d'une trentaine d'années. Les éléments d'historique (sur les costumes, les musiques, les danses...) publiés ci-dessous reprennent en grande partie le travail qui avait été fait par l'un des nôtres, Didier Simon, sur le premier site internet de l'association, au début des années 2000.
A l'origine, l'association D'Mattàgumber (en traduction littérale depuis l'alsacien : "sauteurs des prés"… sauterelles, quoi !) est née en 1986 de l'idée qu'il serait bon de sautiller ensemble sur des musiques et des rythmes d'autrefois. Les sauterelles ont donc créé un groupe de danses et musiques traditionnelles, puisant dans les collectages et les recherches sur le patrimoine local (alsacien, et plus précisément sundgauvien).
Les années passant, elles se sont dit que produire en spectacle danses, costumes et musiques d'antan était une bonne chose, mais réinventer une pratique populaire vivante et contemporaine serait un réel plus. Elles se sont mis, alors, à organiser des stages, des bals, des rencontres, des veillées…L'implication de nombreuses sauterelles au sein de l'association folk "Carnet de bal" y était pour beaucoup. Pas tout à fait folkloristes, pas tout à fait folkeux, les Mattagumber se sont voulus comme un trait d'union entre hier et demain, entre tradition et création.
Les activités actuelles sont le résultat de cette histoire singulière où rien n'a jamais été renié, mais où aucune porte n'a jamais été fermée a priori.
Aujourd'hui, plusieurs costumières (de l'apprentie à l'émérite) font des kilomètres à la machine à coudre pour concevoir et confectionner les très nombreux costumes de nos spectacles (jusqu'à une centaine de costumes différents pour un spectacle). Mais la troupe possède dans ses stocks de nombreux costumes traditionnels alsaciens, et plus particulièrement sundgauviens (costumes de paysan, de bourgeois, de conscrit, etc.). Ils ont leur histoire et possèdent aujourd'hui une valeur symbolique très forte.
Durant de nombreuses années, plusieurs membres de la troupe (appartenant aussi à l'ADATP - Association des Arts et Traditions Populaires d'Alsace) ont participé à la création de costumes sur la base de recherches historiques très sérieuses.
Alors oui, première surprise : pas de grands nœuds noirs dans le Haut-Rhin et dans le Sundgau ! La mode des grands nœuds (qui n'étaient d'ailleurs pas tous noirs et qui ont été popularisés dans le reste de la France par Hansi) concerne le Kochersberg et le Pays de Hanau, soit à l'Ouest et au Nord de Strasbourg, à une époque (1860-1920) où le Sundgau avait déjà abandonné le costume traditionnel.
Pendant plus de dix ans, les Mattagumber ont arboré un costume fin 18ème-début 19ème siècle, mélange de modes françaises et allemandes (casaquin de cotonnades imprimées, jupe, tablier, coiffe de brocard avec sous-coiffe à dentelles) qui est reconnu comme étant le dernier costume traditionnel porté dans le Sundgau.
En 1998, nous avons participé à la reconstitution, avec l'aide de la commission du costume de l'ADATP (Alsace des arts et traditions populaires), d'un costume plus ancien (autour de 1780), d'inspiration alémanique, resté fidèle à des caractères rhénans anciens (corselet attaché à la jupe, laçage serré du corselet), porté surtout le long de la frontière avec la Suisse.
Ci-dessus : une "paysanne de Haute-Alsace aux environs de Bâle" de Ch. de Melchen d'après la gravure "Eine Sundgauerin", parue dans Magazin für Frauenzimmer, Kehl 1785.
"C'était plaisir de voir défiler au champ de foire les maires de Wittersdorf, Emlingen, Schwoben, Tagsdorf, Francken, Hausgauen, Hundsbach, Iettingen et Michelbach, vêtus de leurs habits à basques et à poches profondes, en drap bleu clair, marron, vert clair, gris ou violet. Coiffés du tricorne en feutre à chenilles, le gilet rouge ou jaune tombant très bas sur la culotte courte retenue aux genoux par des boucles, la jambe moulée dans des bas blancs, et bien cambrée dans des souliers aux boucles d'argent." (Souvenirs d'Alsace par Charles Goutzwiller, Imprimerie Nouvelle 21, Faubourg de France Belfort 1898)
Le costume de tous les jours n'est pas fondamentalement différent : plus simple, plus sobre, il est plus adapté au travail. Les filles remplacent la coiffe par la halette ou par le fichu, les garçons leur tricorne par un Zipfelkapp (bonnet à pointe en coton) et chaussent des bas bleus ou gris, moins salissants que les blancs.
Empanachés, emplumés, enrubannés et ceints du tablier brodé, les conscrits vivent au crochet de la communauté villageoise les jours précédents le conseil de révision ou la Kilbe (fête du village). Cette coutume n'a commencé à décliner que vers 1980, pour s'éteindre finalement avec la professionnalisation de l'armée.
Depuis, plusieurs expositions de ces reconstitutions historiques ont été réalisées, avec succès, et de nombreuses municipalités ont pu bénéficier de nos costumes pour leurs diverses cérémonies.
En 2009, certains de nos costumes (et de nos membres) de la troupe ont servi de modèles pour le fameux livre du photographe tchèque Frantisek Zvardon et de Marc Grodwohl, « Les Alsaciens », aux éditions de La Nuée Bleue. Les photographies de ce livre ont fait l'objet d'une grande exposition au siège du Conseil Régional d'Alsace, en 2010-2011. Elles ont aussi été exposées dans la mairie de Saint-Louis, entre autres lieux.
En 2016, pour deux collaborations l'une avec le monde agricole et notamment la Chambre d'agriculture d'Alsace (au Parc des expositions de Colmar dans le cadre du concours agricole européen Prim'Holstein, en collaboration avec la société Aquatique Show International), l'autre avec le monde de l'artisanat et du petit commerce et notamment la Chambre des métiers d'Alsace, nous avons ressorti en public le fruit de ce travail de longue haleine, avec l'appoint de danseurs et de costumes issus de nos compagnons de route, les Burgdeifala d'Illfurth (qui existent quant à eux depuis 1973 !).
"A la découverte des costumes bourgeois du dix-huitième siècle"
"A propos du costume sundgauvien" (publié dans l'annuaire de la Société d'Histoire Sundgauvienne, 1993)
"Le lièvre d'Ostara - L'Almanach"
" La musique folklorique alsacienne, c'est le flonflon des cuivres ! "…Bien sûr, et les Alsaciens mangent de la choucroute tous les jours, même au petit déjeuner...
Les orphéons de cuivres sont une tradition somme toute récente en Alsace (2ème moitié du 19ème siècle, avec la révolution industrielle et la fabrication du métal à la chaîne), plus récente encore dans les endroits reculés comme le Sundgau. Si ces ensembles savent mener un cortège ou donner l'aubade à Monsieur le Maire, ils n'ont pas vocation à faire danser au bal, même quand ils jouent des airs à danser.
Il était rare de voir de telles formations animer un bal, et c'est au sein des groupes folkloriques que s'est cristallisée l'idée que les harmonies de cuivres jouaient de la musique à danser.
Qui animait alors les bals de village ? Des musiciens routiniers, seul, en duo ou en trio, rarement plus, souvent Israélites ou Tziganes (cf. sources 1 et 3 ci-dessous).
L'iconographie du 16ème siècle nous montre l'omniprésence de la cornemuse, dont le règne durera jusqu'à la fin du 17ème siècle. Monsieur de Lhermine nous raconte dans ses mémoires de voyages en Alsace (1674-76 et 1680) qu'il a vu danser des villageoises, à la foire d'Altkirch, "au son des musettes, des tambours et des flûtes champêtres".
Après la cornemuse, vinrent les violons, contrebasses et clarinettes qui furent détrônés par l'accordéon diatonique dans les premières décennies du 20ème siècle (cf. sources 1, 2 et 3).
Ayant l'expérience des bals folk, nos musiciens multi-instrumentistes (d'abord membres des groupes Au gré des vents et Zipfelkapp, puis Pouce Etiré et La poupée du Loup) se sentent très proches de ces musiciens routiniers et pratiquent des instruments anciens (violon, accordéon diatonique, mandoline, mandoloncelle, flûtes, cornemuse…). Ils ont fait revivre un instrument plus "local": l'épinette des Vosges (fabriquée par Gilles Péquignot). Depuis l'origine, ils puisent aussi dans leurs influences les plus diverses pour agrémenter les spectacles (rock, musiques du monde, chanson française...).
Sources :
1 - Louis Pinck, Verklingenden Weisen, Lothringer Volkslieder gesammelt und herausgegeben, 5 tomes (Lothringer Verlags-und Hilfsverein, Metz 1926, 28 & 33, Im Bärenreiter-Verlag zu Kassel 1962).
2 - Alfred Kassel, Conscrits, Musik und Tanz im alten Elsass, (Elsassland-Bücherei, tome 8, "ALSATIA"-VERLAG Guebwiller 1929).
3 - Enquête menée, en février 1998, par d'Mattàgumber auprès de Monsieur Victor Deveille, né en 1908 à Moos.
Concernant les danses, la troupe a longtemps présenté quatre séries de danses, dont l'une consacrée aux traditions du carnaval et de la folie (créatrice) qui l'entoure, au moment du renouveau du printemps. Une autre, elle aussi issue des collectages auprès des anciens, notamment réalisés par Richard Schneider, dans les années 40-60, est consacrée aux corporations artisanales d’antan, comme les verriers, les cloutiers, le porcher ou les tisserands.
Lorsqu'il n'y avait plus aucune trace, les chorégraphies ont été recréées pour la plupart par Richard Schneider à partir des sources les plus anciennes (quelques unes par des membres de la troupe, notamment Sébastien Chabouté) pour éviter l’absorption des traditions d’Alsace avec des coutumes bavaroises ou autrichiennes plus récentes (fin 19ème - début 20ème siècle) et ainsi conjurer le risque d’en voir disparaître toutes les subtilités. Les chorégraphies ont ainsi été enseignées et retransmises par des animateurs de la fédération "Alsace Des Arts et Traditions Populaires", notamment Denise Hartmann.
A consulter, entre autres : les articles "chansons" et "danses" de l'"Encyclopédie d’Alsace", par Richard Schneider (Publitotal Strasbourg, 1982-1986).
"Une ancienne danse populaire alsacienne de St. P." (paru dans Elsass-Land Lothringer Heimat, mai 1929)
"La ronde chantée" (avec la reconstitution-adaptation par d' Mattàgumber de la ronde "Es steht ein Mühl in jenem Tal")
"La danse de St-Guy" (cité dans "Dictionnaire des citations pour l'Alsace" H.J. Troxler, éd. du Bastberg 1987)
Nous avons participé, en juillet 2002, au festival de la région de Kaszuby (Nord de la Pologne), où nous avons été reçu et chouchouté par le groupe de Chojnice.
(diaporama ci-dessous)
Petite carte postale de notre participation au 7ème Zemplén-festival de Sàtoraljaùjhely (Nord-Est de la Hongrie) en août 1999, en compagnie de groupes lithuanien, portugais, hongrois (bien sûr!), ukrainien, croate, estonien, turc, grec et italien.
(diaporama ci-dessous)
Les Mattagumber se sont encore produits à de nombreux endroits, dans de nombreux villages alsaciens, notamment à la maison de la nature d'Altenach (en 2001), à Jettingen (en 2000), à Meistratzheim (en 2003), mais aussi à Saignelégier en Suisse (en 1998), à Trélevern en Bretagne (en 2000), à Dunkerque dans le Nord, etc.
(diaporama ci-dessous)
Entre 1994 et 2003, nous avons organisé des rencontres de danses et musiques traditionnelles, le premier week-end de juillet, au plan d'eau de Courtavon (Haut-Rhin), avec scène ouverte aux musiciens, stages, bal folk et concerts gratuits.
Tous les ans, les bénévoles de la troupe montaient un ancestral chapiteau de kilbe pour accueillir les prestations. Les Mattagumber présentaient leurs séries de danses et musiques, puis organisaient les stages et le bal du soir.
(diaporama ci-dessous)
En 2001, les Texans de Bayou Seco nous ont fait le plaisir de venir, mais aussi La Bourrée Gannatoise.
(diaporama ci-dessous)
En 2002, au plan d'eau de Courtavon, après plusieurs années d'activité sur le site, un bal n'aurait pas du avoir lieu pour cause de présence de skinheads dans la région, un temps...mouais...bof..., mais plein de nouveaux groupes dont certains se produisaient pour la première fois en public.
(diaporama ci-dessous)
En 2000, dans le cadre des "2000 bals pour l'an 2000", orchestré par la FAMDT, nous avons organisé une série de stages de musique (cornemuse, diato, guitare et mandoline) et danses traditionnelles d'Alsace. Le but était double : sensibiliser le public des bals folk aux danses trad d'Alsace d'une part et d'autre part, faire découvrir aux folkloristes le plaisir de la danse sans les contraintes de la chorégraphie et de la scène. Les stages étaient bien sûr suivi d'un bal folk.
(diaporama ci-dessous)
Lors des 7èmes rencontres de Courtavon, en 2000, nous avons eu le plaisir d'accueillir la chanteuse hollandaise Niki Jacobs (qui se produit actuellement sous le nom de Nikitov).
En novembre 2003, l'association a organisé un concert suivi d'un bal à l'espace Grün de CERNAY, dans le cadre des Nuits Trad Magazine.
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A plusieurs reprises l'association a aussi participé à la fête médiévale de Ferrette (ci-dessous en 2004), en tenant un stand (vente d'Hypocras notamment) et en proposant une animation en danses, musiques et costumes médiévaux, ainsi que des jeux et de la vannerie.
(diaporama ci-dessous)
Bien que les sauterelles s'adaptent à tous les écosystèmes, Mooslargue est leur biotope d'origine. Commune formée par la fusion en 1975 des villages de Moos et de Niederlarg, Mooslargue se love au fond d'un vallon du Sundgau, à un saut de… sauterelles du Jura suisse et du Territoire de Belfort.
Le village a été surnommé "le pays des tornades" en raison de la fréquence de vents violents, accompagnés de tourbillons. Le sol y est humide, peu fertile, d'où le nom de Moos qui désigne en alémanique un endroit bourbeux, un marécage. On raconte aussi qu'à Moos le diable se serait perdu (l'association de marcheurs s'appelle d'ailleurs les Diables de Mooslargue).
En 1854, une enquête menée par un agent des contributions décrit Niederlarg comme un des villages les plus petits et les plus pauvres de l'arrondissement d'Altkirch et dit des habitants de Moos qu'ils ont une réputation de paresseux ou de contrebandiers.
Bienvenue chez nous !
Le Sundgau, pays de grands vents, de fortes pluies et de violents orages... Certains ont cru bon de traduire ce nom par "pays du soleil"… N'exagérons rien, il nous arrive certes d'avoir du soleil (si, si !), mais Sundgau signifie surtout "pays du Sud" et désigne un troupeau de collines qui dégringolent du Jura vers le Piémont des Vosges, bordé à l'Ouest par la trouée de Belfort et à l'Est par la plaine alluviale du Rhin.
Sur ces collines, y poussent des prairies de fétuques, de pâturin, de houlque laineuse et de brome (ça envoie, hein !) où gambadent des bovins de race Montbéliarde, Tachetée de l'Est, Charolaise ... et des sauterelles. Il y pousse aussi des forêts de feuillus, de conifères et des vergers à quetsches, mirabelles, pommes et poires. Dans nos étangs poussent des carpes depuis qu'il y a quelques siècles, des moines cisterciens ont pensé que le sol argileux et les nombreux cours d'eau étaient propices à cet élevage, et dès lors nous avons fait de la carpe frite notre plat local. Un arrêt sur la Route de la Carpe Frite s'impose, si vous n'êtes pas du coin...
Aujourd'hui, les sundgauviens et autres sauterelles quittent tous les matins la centaine de petits villages blottis au creux des vallons pour rejoindre les bassins d'emploi de Mulhouse, Belfort, Montbéliard et Bâle, les prairies cèdent la place à la monoculture du maïs et notre mode de vie se "rurbanise".
Il n'empêche, ici, l'exode rural est tout relatif, l'installation au village de jeunes couples est chose courante, le tissu associatif débordant de dynamisme (même si le bénévolat reste une gageure), l'attachement aux coutumes du village une réalité. Tout cela entretient une cohésion communautaire qui contrebalance l'impression de cité-dortoir qu'a priori donne le Sundgau.
D’z Moos esch der Däifel loos !
Hoppsa Liesala, lepf di Füass
Wenn ech met dech tànza müass
Met dech tànza kànn ech jo net
Wenn dü di Füass net lepfa wett!
Polka, Polka tànz i garn
Met’em a scheena Herr vo Barn
Met’em a wiaschta màg ech s’net
Liewer tanz i d’polka net
Het esch Kelba, morn esch Kelba
Bis amZischtig s’Oba
Wenn da zu mim Schatzala gehsch
Saisch’em güata Oba
Güata n’Oba Lisabett
Zaig’mer wu di Bettla steht...
Henger d’r Terra, ànd der Wànd
Wo em Sepp si Kettel hàngt
Ach esch so krànk, ach esch so krànk
Ach esch a wenig bässer
D’Müatter kocht’em Pflüta
Eber a Hàlba Zäschter!
Volkstemlig’s Gedecht wu ech glasa hà mit’m Henri Fritsch ;
D’Jugend sait ma “mach so witter, werdsch no a Herr”
Em Henri, wu jetz sini Ranta hät, derf ma sàga, « Merci Henri, bisch a Herr »
Und vergasset’s net, em 12, 13, 14, 15 und 16 Auigscht
esch d’z Moos weder der Däifel loos.
Ech has gheert, d’Màttagumber hai mech’s gsait.
Chronique "Üf Elsassisch" de Laurent Déveille,
parue dans le bulletin communal de juillet 2014