Intimité (s) dévoilée (s)
Les Mattagumber sévissent une nouvelle fois. Au pied levé et en quelques semaines, après les précédents spectacles préparés de longue haleine, ils passent à l'intimité. Aux intimités. Vastes sujets, autant qu'il existe d'individus, traités avec justesse, émotion et humour.
Après le gigantisme du « Gargantua » de l'an passé, la troupe des « Sauterelles » de Mooslargue s'est attelée à un nouveau défi : mettre l'intime sous le feu des projecteurs.
Traités façon Mattagumber, la naissance, la vieillesse, la mort, l'amour, les états d'âme et autres travers intimes sont vécus à l'aulne de la poésie, de la musique et de l'image. Les événements heureux en sont rehaussés, ceux dramatiques en sont mieux supportés. Textes remarquables, musiques circonstanciées, images illustratrices, évolutions scéniques des comédiens exubérantes ou confidentielles, c'est selon. Le spectacle mêle les genres et déshabille l'humanité. Nourri de textes d'auteurs, « chansons, poésies, journaux et lettres intimes récoltés dans des aires géographiques et des ères historiques très diverses », comme l'expliquent les scénaristes, Sébastien Chabouté, Henri Fritsch et Mathieu Lavarenne, le spectacle profite de la propension des acteurs à s'adapter à des jeux de scène très variés. Leurs créations des années précédentes en sont d'ailleurs une preuve convaincante. Textes et chansons sont piochés dans le puits sans fond de la création française, quelquefois mariés judicieusement à une merveille anglo-saxonne, une œuvre latine ou un chant yiddish. Dans le registre musical, les artistes musiciens qui gravitent dans la nébuleuse mattagumberienne débordent d'une imagination novatrice, comme à leur habitude.
« Cela frise l'exhibition »
Pour offrir en pâture et consommer « l'exhibition et le viol de l'intimité», ainsi que les scénaristes qualifient eux-mêmes leur œuvre, des images inédites et surprenantes du photographe Jean-Paul Girard, spécialement réalisées pour l'occasion, rehaussent visuellement le jeu des acteurs et des narrateurs. Dans une salle communale aménagée tête-bêche, entièrement revue aux besoins de ce spectacle prometteur en surprises et émotions, la troupe des «Sauterelles » de Mooslargue « creuse une thématique sobre en apparence, celle de l'intimité en jouant d'un paradoxe de taille, mettre en scène l'intimité, cela frise l'exhibition. »
Intimité (s) et mélancolie
Comme toujours, le contre-pied fait le bonheur des membres de la troupe. Et ils ne demandent désormais qu'à partager leur plaisir avec le public. « La thématique de l'intimité nous a été soufflée par Sébastien. Puis chacun de nous, en quelques jours, a nourri le thème et nous avons décidé, une fois de plus, de prendre le contre-pied de ce que nous avions fait l'année précédente», explique Mathieu Lavarenne. Cette fois, pas d'exubérance, si ce n'est dans celui des mots et des références aux grands auteurs.
Les Mattagumber utilisent un nouvel espace, celui de la salle communale, « nous sommes débarrassés du souci de la météo ». Contre-pied encore, le spectacle se décline de la mort vers la naissance. Et puis, le personnage central est un objet... « Nous avons souhaité mettre en valeur le livre qui est le véritable fil conducteur du spectacle structuré sur l'opposition entre le bruit et le silence, le noir et le blanc, la mort et la vie. »
Conducteur de la trame, le tic tac de la pendule rythme les scènes. Est-il le temps qui court ? Ou le battement du cœur ? La troupe, très à son aise,traite l'intimité par la mélancolie, la poésie ou l'humour, c'est selon. À chaque âge de la vie ses préoccupations et à chaque spectateur d'entendre ça et là l'écho de sa propre histoire. Un spectacle à ne pas manquer, car il est promis que le public ne sera pas en reste.
Luc Stemmelin
Y ALLER. Jeudi 19, vendredi 20 et samedi 21 août, à partir de21 h, salle communale de Mooslargue. Entrée libre, chapeau.
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