par Luc Stemmelin
L'Alsace 9 août 2011
Associés dans le Don Quichotte façon Mattagumber, Henri Fritsch en Sancho Panza, à gauche, donne la réplique à Jean-Charles Mattler en Don Quichotte délirant. Une nouvelle expérience pour ce dernier, jusqu’à présent metteur en scène et comédien emblématique du théâtre à Riespach. En guise de nouveau venu dans la troupe des Mattagumber, il endosse en cadeau de bienvenue le rôle du héros délirant et fou, cher à la littérature de la péninsule ibérique. Photo Luc Stemmelin
La troupe des sauterelles de Mooslargue présente son nouveau spectacle estival dès ce jeudi. Don Quichotte de la Mancha revit avec des textes fidèles à Cervantès, dans une mise en scène détonante et rythmée, signée par les « Mattagumber » de Mooslargue.
Après « Gilgamesh » en 2008, « Gargantua » en 2009 et « Intimités à livre ouverts » en 2010, la troupe des Mattagumber met en chantier un autre monument de la littérature, conjuguant comme il est de coutume dans leur démarche, théâtre, chant, danse et musique.
« À chaque fois, l’alchimie réussie, on se demande un peu nous-même comment ! Mais c’est notre manière de fonctionner, de se faire plaisir tout en faisant plaisir au public, dans une démarche totalement gratuite à laquelle nous tenons », explique l’incontournable Henri Fritsch, avec l’acquiescement du metteur en scène et musicien Mathieu Lavarenne. Il est vrai que les folies des « Mattagumber » se renouvellent pour la neuvième fois, avec des débuts prometteurs au château de Ferrette, suivis de spectacles proposés ensuite à Mooslargue mais toujours hauts en couleurs et attachants. Pour l’adaptation de Don Quichotte, le metteur en scène a fait le choix d’une dizaine d’aventures, sortant le héros fou et délirant et son compagnon, de la vision réductrice du combattant de moulins à vent. « Nous voulons rendre l’image d’un personnage décalé, complètement fou, qui se prend pour un chevalier alors qu’il n’existe plus de chevalier à cette époque », explique Mathieu Lavarenne. Tour à tour soldat, commerçant, prisonnier ou esclave, riche ou pauvre, Miguel de Cervantès a écrit son roman fleuve en deux tomes, à une dizaine d’années d’intervalle. Le spectacle s’inspire de son esprit, loin des lectures édulcorées des livres pour enfant. « L’objectif est de renouer avec la littérature. Don Quichotte est un intégriste de la justice, de la liberté. Il l’exprime à travers un personnage manichéen, dans un délire paranoïaque et égocentrique. Par ses attitudes, il provoque pire situation que ce contre quoi il prétend lutter ». Des situations délirantes, des histoires inédites, des rôles en or tels Don Quichotte, le chevalier errant, et Sancho Panza le paysan-écuyer bien sûr, mais aussi Dulcinée du Toboso, Samson Carrasco, il n’en faut pas plus à la troupe des Mattagumber pour mettre sur pied un spectacle détonnant et rythmé.
Idéaliste à l’extrême et illuminé, Don Quichotte reviendra à la réalité, mais en en payant le prix fort. Dans le premier acte, le spectacle brise le mythe du Don Quichotte pour enfants. Acte deux, les lecteurs du tome I, moqueurs pour les deux héros complices, sont mis en scène et le Chevalier de la Blanche Lune intervient pour ramener le héros à la raison. Inédit et vif, Don Quichotte de la Manche façon Mattagumber mérite qu’on s’y attarde.
Y ALLER Mooslargue, en plein air derrière la salle communale. les 11, 12, 13 et 14 août, à 21h. Entrée libre. Surfer : http://mattagumber.over-blog.com
À l’instar des techniciens, Alexandre Lavarenne au son, et son père Martial à l’éclairage, Suzanne Kalmeyer et Céline Stoecklin sortent de l’ombre, la confection des costumes, à la lumière car elles sont également actrices. « Comme chaque année, nous réfléchissons depuis plusieurs mois aux costumes, mais leur réalisation tarde en fonction des exigences de la mise en scène, des comédiens, même si nous collectons tissus et accessoires depuis des mois. Ainsi nous répétons tout en mettant au point les derniers détails sur ce que nous voyons lors des répétitions. Nous veillons ainsi à trouver le juste équilibre entre un costume confortable à porter, résistant à l’action, tout en étant beau à regarder et sans artifices inutiles », expliquent-elles avec un large sourire qui augure à la fois de leur passion pour le théâtre et d’une propension à satisfaire avec réussite aux exigences de leur tâche.
Metteur en scène et musicien, Mathieu Lavarenne dirige la troupe des Mattagumber. « J’ai lu les deux tomes réunissant 400 pages du roman de Cervantès, très rafraîchissant. J’ai choisi les extraits pour la construction du spectacle. De Don Quichotte, du personnage populaire, on connaît sa lutte contre les moulins à vent et les adaptations édulcorées pour enfants, mais c’est bien plus que cela. Il contient de nombreuses histoires qui méritent d’être connues. Dans notre spectacle, nous souhaitons rester proche de l’esprit du texte de Cervantès tout en jouant sur les anachronismes à travers les décors, les accessoires et un emprunt à Molière. L’écriture de Cervantès, ce sont des tranches de vie, sans solutions. Nous aspirons à restituer Don Quichotte dans son ambiguïté, son ambivalence, ses paradoxes ».
Danseur infatigable, Sébastien Chabouté imagine et organise les chorégraphies du spectacle.
Son sens de l’espace scénique, sa vision du spectacle aide aux évolutions des comédiens, qui au-delà des textes, animent de leurs mouvements et déplacements un spectacle vivant et rythmé.
Aux côtés de quatre musiciens complices, Valère Kaletka, auteur-compositeur et interprète, a réalisé la musique et les chansons du spectacle.
Multi-instrumentiste, il coordonne l’emploi d’instruments différents, qui relient les époques entre-elles et parfois de façon surprenante.
A l’occasion, il participe aussi au jeu de scène.